Patrouille de nuit, Pierre René-Worms, Le confort moderne, 2021
Du 16 septembre au 19 décembre 2021
👁🖤👁Le confort moderne
👁🖤👁 Pierre René-Worms
À la terrasse d’un restaurant, je demande à Pierre de me raconter comment c’est arrivé. Comment, de rencontres en rencontres, il s’est retrouvé à être la personne qui fera, entre autres, la pochette du mythique « Juke Box Baby », d’Alan Vega.
Le lendemain, je reçois dans ma boîte mail ces quelques mots :
« C’était à New-York en septembre 81. Il y a trente et un ans. Ma mémoire ne me trompait pas, hier soir, lors de ce repas. Reportage d’une semaine à Manhattan. Klaus Nomi venait de sortir son album avec son super look. Il allait venir à Paris quelques mois plus tard pour un concert au Grand Rex. Rendez-vous pris de Paris, via l’attaché de presse de RCA, pour une photo session en bas de chez lui dans l’East Village. Je vois arriver un type banal, loin des délires vestimentaires de la diva New Wave. Le seul lien avec la star est ce tee-shirt noir à son effigie. Quelques snapshots express d’un Nomi fatigué et déjà bien malade. Une des rares occasions où il se présente à nu face à l’objectif. Banal, me dis-je. Finalent, pas mal avec le temps. Je plie bagage au bout d’une vingtaine de minutes d’échanges. Direction, le quartier des clodos, le Bowery. Rendez-vous avec Alan Vega dans sa petite chambre. Cette fois-ci, le shooting sera impec, future pochette de “Juke Box Baby” en boîte pour l’occasion. »
Depuis quelques années, en regardant ces photos, je vois une histoire musicale mais aussi sociale, celle du glissent du milieu des années 70 à la fin des années 80. Les territoires de Pierre se dessinent en parallèle et s’alimentent. Si l’on connaît surtout ses photos de rock, c’est sur le continent africain qu’il passe le plus de temps depuis 1978.
Patrouille de nuit est en quelque sorte la somme d’années à retourner des boîtes de tirages où se dévoilent les paysages d’un monde en mutation : Salif Keïta milite à la Fête de L’Humanité pour la libération de Nelson Mandela ; Vivienne Westwood défile chez Angelina devant des journalistes anglais atterrés ; Carte de Séjour est à la Bastille pour Touche pas à mon pote de SOS Racisme. La lecture de ces photos nous permet d’entrapercevoir une histoire où se croisent des figures aussi différentes que Georges Marchais et Miriam Makeba.
Pierre se glisse dans la vie quotidienne des musicien.ne.s, de la loge de concierge du théâtre Mogador avec les B-52’s, à un ring londonien avec Ron Mael, le chanteur des Sparks, en passant par le studio d’enregistrement d’Etienne Daho à Rennes, où il capte les moments partagés avec Elli Medeiros. Sa photo est celle de la découverte d’une société émergente et elle se conjugue souvent au féminin car au fil des scènes et des bars, il montre la place importante qu’ont occupée les femmes dans cette période post-punk. Au fil des images, on redécouvre des musiciennes comme les Raincoats, The Slits, Nina Hagen, Chrissie Hynde, Grace Jones, Marianne Faithfull, et on croise Debbie Harry, l’enchanteresse, la même qui dans le film new- yorkais « Downtown 81 », peut réaliser tous vos rêves.