Avec : Marianne Berenhaut, Laurie Charles, Won-Jin Choi, Marianne Derrien, Liliane Giraudon,Tanja Nis-Hansen, Georgia René-Worms, Lili Reynaud-Dewar, Sequoia Scavullo et Jo Spence
Commissariat de : Georgia René-Worms
“Je progresse moi-même dans une vie qui n’est plus la mienne, me retrouve enfermée dans un corps qui n’est plus le mien, que la maladie (ses outils et ses conséquences) a rendu non seulement étranger mais inadéquat.Le corps n’est plus un allié, il est devenu un obstacle, et c’est à partir de lui que j’avance dans mon vocabulaire, désensablant avec lenteur une variété de scènes et d’actions jusqu’alors inaccessibles.”
Liliane Giraudon, Madame Himself
Ils ont pris leur autonomie en toute discrétion, doucement ils ont commencé à se transformer. Générer de nouvelles formes en nous: des tissus succulents et gluants, des excroissances de chair, des proliférations cellulaires, des cartilages mutants, des globules cannibalisant. Sur chacun de ces mouvements des mots ont été posés, des mots scientifiques, des mots médicaux. C’est un nouveau langage qui est venu à nous, on nous a parlé de ces corps comme s’il s’agissait de lieux où il fallait ré-instaurer un ordre. Nos corps et notre histoire ont été exposés à un nouveau langage. Une langue autoritaire et rigide comme pétrifiée, pour parler de nos corps malades, de leurs viscères chauds, mous et mouvants.
C’est alitée, dans une clinique, que le besoin de rencontrer des narrations curatives et émancipatrices s’est présenté. C’est à l’horizontale, dans un temps social en suspens où la maladie m’avait rendue non-productive , que ces nouveaux corps construits dans la différence sont apparus.
Le corps anarchique c’est celui qui se retrouve comme en colocation avec une pathologie, un corps qui dans sa vie a pris la liberté de s’autonomiser, de muter comme en réaction à sa biologie et aux exposomes. Nos corps anarchiques c’est aussi la nécessité d’une mise en commun horizontale des savoirs par les malades eux-mêmes, non pas en s’opposant aux pouvoirs médicaux, mais en réorganisant une écoute, une narration et un savoir autogéré depuis l’intérieur de l’expérience de la maladie.
Chacune des œuvres de l’exposition est une forme narrative ou visuelle mettant au jour différentes stratégies de visibilisation mises en place par des artistes et autrices pour rendre politiquement et socialement nos expériences appréhensibles. Nos corps anarchiques, a vocation à opérer un changement de paradigme, il ne s’agit plus d’être une hôte soumise mais de faire passer l’expérience de la maladie du côté proactif, acceptant et exposant autant les moments de puissance, que ceux de doutes et de fatigue.
Ici c’est une historiographie non linéaire faite de sœurs et d’allié.e.s qui se construit. Décloisonnant les fonctions qui leurs sont assujetties, les artistes et autrices présentes dans l’exposition déconstruisent l’ idéalisation du corps militant moderne. La douleur, l’hormono-dépendance, la chronicité, l’auto-immunité ne sont ici pas uniquement les mots définissant des pathologiques mais le point de départ de réflexions sur nos vies intimes et politiques.
Nous remercions pour leurs prêts: Dvir Gallery, Galerie Sans titre, Jo Spence Memorial Library Archive, Birkbeck, University of London, The Estate of Jo Spence Courtesy of Richard Saltoun Gallery London/Rome, Ainsi que pour le soutien à la production de l’installation de Laurie Charles de la Fédération Wallonie-Bruxelles et l’Institut français du Royaume-Uni pour les recherches de Georgia René-Worms sur Jo Spence.